Entretien avec Eddie Schwartz, président du CIAM

Le président du CIAM, Eddie Schwartz, a récemment accordé un entretien à l’ALCAM, le partenaire du conseil pour l’Amérique Latine, dans lequel il a expliqué les difficultés essentielles auxquelles sont confrontés actuellement les créateurs de musique. M. Schwartz a également souligné les principaux objectifs du CIAM pour l’année et, fort de son expérience de 40 ans comme parolier, il a formulé quelques conseils à l’attention des nouveaux auteurs de musique. Le texte intégral de cet entretien est reproduit ci-dessous.

Entretien


Que pensez-vous de la situation du droit d’auteur dans le monde ?

Ce ne sont certainement pas les difficultés qui manquent, que ce soit au niveau régional ou international mais la domination d’une poignée de monopoles de l’industrie numérique mondiale est la réalité à laquelle nous nous heurtons tous « pratiquement » partout, et que nous ne pouvons ignorer. Je pense que cet élément montre pourquoi la gestion collective est si importante pour la subsistance des créateurs de musique individuels et des éditeurs de musique indépendants. Nous avons certainement des droits, le droit de propriété intellectuelle, le droit d’auteur, les droits moraux, etc., mais si nous ne nous associons pas efficacement pour les faire valoir de façon collective, nous ne serons pas assez forts pour les défendre et s’assurer d’une rémunération durable qui découle de ces droits.

A votre avis, qu’est-ce qui menace principalement le droit d’auteur, de manière générale ?

Il est clair que la technologie numérique a renvoyé le contrôle effectif du nombre de copies d’une œuvre à une époque révolue, par conséquent, nous devons repenser l’idée de droit d’auteur et la façon de survivre en tant que créateurs, dans cet environnement difficile. En fait, ces dernières années, le terme de « droit d’auteur » a été la cible d’une campagne de désinformation et est à présent qualifié d’idée archaïque, en faisant valoir de façon erronée que le droit d’auteur bénéficierait principalement aux grandes sociétés. Pour cette raison, l’importance capitale du droit d’auteur pour le créateur individuel a largement été éclipsée à l’ère de la transition numérique. Cependant, au lieu de se focaliser sur le terme de « droit d’auteur », il sera sans doute plus utile que nous fassions connaître notre situation. C’est pourquoi le CIAM soutient le mouvement Fair Trade Music (FTM) qui s’intéresse aux modèles économiques éthiques et durables et est l’un de nos projets internationaux. Le projet Fair Trade Music nous offre une nouvelle possibilité de discuter de beaucoup de problèmes identiques mais d’une façon permettant à la plupart des gens de les comprendre car ce projet FTM oriente les créateurs et les consommateurs vers des modèles éthiques et durables dans l’industrie musicale.

Que pensez-vous de la relation actuelle entre les plateformes numériques et canaux de promotion numériques, et les droits des auteurs et des compositeurs ?

La plupart de ces modèles numériques, et le streaming en particulier, ne sont pas tenables pour les auteurs et compositeurs. Les modèles basés sur la publicité sont les pires fraudeurs quand on voit que des millions de diffusions d’une œuvre génèrent à peine de quoi s’acheter une pizza. C’est un problème de « disparité des valeurs » qui a retenu l’attention dernièrement, notamment dans l’Union Européenne mais ailleurs également. J’aime l’expression d’« extraction de valeur » que certains ont utilisée car elle reflète le fait que la musique génère plus d’argent que jamais précédemment, mais la majeur partie de cette valeur est « extraite » par des intermédiaires avant que la moindre part ne revienne à ceux qui ont effectivement créé la musique. Pour ce qui est de la « promotion », elle est pratiquement inutile actuellement car la promotion n’a de sens que si elle entraîne une rémunération pour les créateurs de musique. Si nous ne recevons rien pour la promotion de notre œuvre, et qu’il ne nous revient presque rien même si nos chansons connaissent un succès considérable, c’est alors un exercice cynique qui enrichit d’autres aux dépens de ceux qui ont réellement créé la musique.

Quel est le principal défi que vous allez relever dans l’exercice de votre mandat de président du CIAM ?

Les défis, ce n’est pas ce qui manque ! Nous allons certainement continuer à édifier et renforcer nos alliances continentales en Amérique Latine (ALCAM), Asie Pacifique (APMA), Afrique (PACSA), Amérique du Nord (MCNA) et Europe (ECSA), ce sont les projets principaux, tout comme la question de l’extraction de valeur. Nous devons également élargir le dialogue à d’autres intervenants qui partagent nos principes d’écosystème musical éthique, durable et transparent pour le 21ème siècle.

D’après votre expérience personnelle en tant qu’auteur, quels conseils donneriez-vous aux auteurs et compositeurs qui se lancent dans leur carrière musicale ?

Il est très important d’apprendre comment fonctionne l’économie musicale et de connaître ses droits en tant que créateur de musique, tout comme s’impliquer dans la défense de ces droits. Ils sont toujours menacés et doivent toujours être défendus. Je sais que la plupart d’entre nous se préoccupe simplement de créer de la musique et c’est particulièrement difficile au début de nos carrières. Chaque génération de créateurs de musique doit défendre ses droits afin que nous puissions les transmettre à ceux qui suivront nos pas.